Accueil
Une autre consolation du bon ange est d'apprendre à sa protégée, suivant Saint Augustin, les bonnes œuvres que les vivants font pour elle. Il fait mieux encore : tel qu'un ami qui recueille des offrandes pour la délivrance de son ami captif, il sollicite des suffrages, il donne de saintes inspirations, il envoie des songes aux amis, aux parents, aux personnes pieuses, et, grâce à son initiative, il s'élève en notre faveur vers le ciel, des satisfactions inattendues que nous n'avons pas méritées autrement que par notre foi à la communion des saints et notre zèle à obéir sur la terre à des inspirations semblables. Saint Jean Chrysostome nous représente les anges autour de l'autel du Sacrifice, semblables à un essaim d'abeilles sur un arbre en fleurs : "Dès que le Saint Sacrifice est achevé, ils s'envolent pour faire ouvrir les prisons du purgatoire et pour exécuter tout ce qu'il a plu à Dieu d'accorder, pendant ce temps précieux, aux prières des fidèles et aux mérites de son Fils."

Quelle n'est pas la joie des bons anges quand il leur est permis de faire entrevoir à l'âme, toute lointaine qu'elle puisse être, l'aurore de la délivrance ! Par exemple, un ange annonce à une âme du purgatoire dont il a été le gardien, la naissance d'un enfant destiné au sacerdoce et qui doit, par sa première messe, obtenir sa délivrance.

Mais c'est surtout au prince des anges qu'il faut penser quand il s'agit des âmes du purgatoire. "Semblable à un ministre plénipotentiaire, Saint Michel applique et interprète suivant les circonstances les volontés de son souverain ; il gracie parfois les coupables qui ont imploré sa protection, il abrège la détention de certains autres ; en un mot, il est médiateur entre le prince et ses sujets, et obtient à ce titre des grâces que la dignité du Souverain ne saurait, ce semble, accorder sans un intermédiaire." (S. Pie V).

Enfin, quand il est donné aux bons anges de délivrer l'âme, qui nous dira leur joie triomphante ? Il faut la mesurer sur celle de l'âme elle-même dans cet état unique, le passage d'un extrême infini à l'autre extrême, dont tous les contrastes des choses humaines ne sauraient nous donner l'idée.
Mais venons-en au sort si enviable de l'âme revêtue, au moment suprême, de l'or pur de la charité et toute brillante des pierres précieuses des vertus. Debout à ses cotés, souriant, étincelant comme une aurore, est son ange gardien : après l'avoir tant rêvé, après avoir tant désiré cette vue, jamais nous ne l'aurions cru si beau. Il ne reste plus rien de ce songe triste et froid que nous appelions la vie. Un sentiment inconnu, qui est la réunion de toutes les joies ensemble, soulève notre âme avec cette calme puissance d'une mer qui se gonfle vers le ciel. Nous essayons la réalité de notre bonheur en le regardant encore, ce majestueux esprit dont l'amour nous pénètre... la certitude reflue dans notre âme : oui, plus de doute, ensemble à jamais ! nous sommes avec lui comme si nous n'eussions jamais cessé d'y être, l'éternité qui commence nous donne une plénitude de sentiment telle que si elle n'avait jamais commencé.

Le royaume, l'immense cité des esprits se déroule à nos regards. Sa grandeur n'a pas de bornes. C'est un panorama non seulement de globes comme ceux de notre système planétaire, mais de systèmes, de mondes comme le nôtre qui fuient et se dérobent dans des perspectives sans fin. La splendeur de ce séjour déconcerte la parole humaine : partout ruisselle la lumière en torrents d'amour et de vie. L'amour nous accueille, et quel accueil, quelle sympathie ! L'âme nouvellement venue soulève dans les rangs angéliques qu'elle franchit pour se rendre à son siège, une longue explosion de joie. "Mais rien n'égale, dit Sainte Françoise Romaine, la réception qui lui est faite dans le chœur des anges auquel elle doit être associée. Ce ne sont, de la part de ces aimables esprits, que démonstrations de joie et d'amitié pour elle, cantiques de louanges et de bénédictions à Dieu de ses faveurs, et ces réjouissances durent beaucoup plus longtemps dans ce chœur que dans les autres."

Toutes les fois que Françoise, questionnée par son confesseur, parlait de cette joie des anges, le souvenir de leur multitude, la douceur inexprimable de leurs chants, de leurs transports, la mettaient hors d'elle-même, son visage devenait tout en feu, et son cœur se fondait comme la cire aux rayons du soleil. C'est dans une telle gloire que les âmes des justes montent au ciel, laissant à la terre leur dépouille mortelle avec autant de dédain que l'aigle, à l'approche des hivers, abandonne au vent ses plumes qui tombent. Mais si, comme il est plus vrai, un désir d'être réunies à leurs corps subsiste dans ces âmes bienheureuses sans les agiter, et s'absorbe dans la volonté divine ainsi qu'un faible zéphyr se perd dans une forêt, on peut dire que les anges éprouvent au sujet de la dépouille des âmes saintes plus de sollicitude que les saints eux-mêmes. C'est une nouvelle série des attentions des anges à parcourir, attentions d'autant plus touchantes qu'elles s'exercent sur un objet que les lois de la nature vouent à la corruption et revêtent en attendant de tous les traits qui inspirent l'horreur.
Suite