A la vie, à la mort ! c'est le vœu de l'amitié humaine et son dernier terme. Mais elle va rarement jusque là. Lors même qu'elle ne nous abandonnerait pas, sa fidélité nous devient inutile et parfois elle trahit sans le vouloir nos plus chers intérêts. Du moins elle est toujours impuissante : elle se voit avec stupéfaction en face d'un monde dans lequel toutes les ressources naturelles ont perdu leur action. Mais où le rôle de l'amitié humaine finit, le rôle de l'amitié angélique semble éclater avec plus de grandeur.
Il y a un des plus élevés de ces bienheureux esprits dont notre ange gardien est l'auxiliaire, à qui est spécialement dévolue la mission de nous protéger aux portes de la mort et de nous conduire jusqu'à notre destinée éternelle. Ses fonctions multiples répondent à tous les besoins de notre âme.
Dans l'Avranchin, dit-on, quand, près d'une couche de douleurs, une mère, une épouse, une sœur, après avoir disputé longtemps à la mort un être chéri, s'avouent enfin vaincues et laissent le mal achever son œuvre, elles gravissent les collines d'où l'on peut apercevoir le rocher de Saint Michel, et prosternées elles recommandent à l'Archange celui qui va partir.
L'Eglise les a devancées, elle est déjà venue dans la demeure en deuil faire entendre sa voix : "Daignez, Seigneur, envoyer du ciel votre saint ange pour qu'il garde, conserve, visite et défende ce malade et tous ceux qui habitent dans cette maison." Au dernier terme de la vie, au moment solennel de la dissolution de notre terrestre demeure, l'Église s'incline encore sur notre lit de douleurs, telle la mère se penche vers le soir sur le berceau de son fils et l'endort d'un paisible sommeil ; le lit de mort pour le juste est le berceau de l'immortalité. Et quels chants d'amour fait résonner celle qui peut adresser à son Époux la parole que celui-ci adressait au Père : Je sais que vous m'exaucez toujours ? Écoutez : Pars, âme chrétienne, au nom des Anges et des Archanges, au nom des Trônes et des Dominations, au nom des Chérubins et des Séraphins... que Saint Michel l'accueille, cet Archange de Dieu, qui a mérité d'être le chef de la milice céleste ! Que les SS. Anges de Dieu viennent à sa rencontre et la guident à la cité de la céleste Jérusalem !
Et dès que nous aurons rendu le dernier soupir, la voix maternelle dira encore avec un accent rendu plus vibrant par l'émotion du départ et la grandeur même de notre destinée : "Accourez, Anges du Seigneur, recevez cette âme et présentez-la aux regards du Très-Haut. - Que le Christ t'accueille avec amour, lui qui t'a appelée ; et que les anges te conduisent dans le sein d'Abraham." (ordo comm. anim.)
Mais la mort est diverse selon les divers états des créatures humaines qui lui paient leur tribut. Laissons l'hypothèse trop navrante d'une âme coupable à cet instant qui suit la séparation du corps. Sa destinée est si affreuse qu'elle n'entre pas naturellement dans notre idée, il faut une grâce pour y croire ; et pourtant, hélas ! l'enfer sera le partage d'un grand nombre de créatures. A cet instant solennel, le bon ange rend sans doute à l'âme maudite le suprême service de lui laisser lire dans la tristesse de son visage l'horrible sort qui l'attend. Si l'amour humain peut lutter contre l'amour de Dieu en faveur d'une personne aveuglément aimée, le zèle de Dieu, plus fort, arme l'ange contre son protégé comme s'il n'y avait jamais eu entr'eux les relations les plus touchantes. Ainsi les services et les attentions de la charité cessent désormais, et si le bon ange ne laisse pas de suivre l'âme damnée jusqu'à l'entrée de l'abîme, c'est moins dans l'intérêt de son pupille abandonné que dans l'intérêt de sa mission, afin d'y mettre le dernier sceau.
Détournons les yeux de ce spectacle effrayant pour considérer le bon ange au service de l'âme quittant cette vie dans la grâce de Dieu, mais vouée au purgatoire pour expier les restes de ses souillures et achever de satisfaire à la justice divine. Sur ce monde mystérieux la tradition et surtout les révélations privées ont jeté des clartés redoutables ; nous en connaissons les douleurs et les consolations angéliques, et l'exacte justice y a formé des demeures diverses comme au séjour de la béatitude. Sainte Françoise Romaine assure avoir vu des anges aux ailes brillantes transporter d'une région dans une autre, avec les manières les plus gracieuses et la charité la plus compatissante, les âmes à mesure qu'elles se trouvaient dans un état de purification plus avancé : douce consolation pour ces captives désolées qui éprouvent, dans ces apparitions célestes, un avant-goût des réalités de la patrie.