Mais le siège propre du bon ange est le milieu de notre cœur. Notre Seigneur Jésus-Christ et la très sainte Trinité sont en notre cœur comme dans leur temple et c'est dans notre cœur, suivant le conseil de Ste Thérèse, qu'il nous importe de nous les représenter dans les différents mystères. En quel autre endroit de notre corps l'ange gardien serait-il plus convenablement pour rendre en notre nom ses hommages à Jésus-Christ et à la Sainte Trinité ? En quel endroit serait-il mieux à même de régler nos affections, de nous inspirer de saintes pensées, de combattre les suggestions du démon ? "Ce n'est pas sans raison, dit le P. Tyrée, que le cœur est regardé par les théologiens comme le siège du démon qui possède l'homme." Si l'intrus qui n'a souvent aucun droit sur l'âme, établit son siège dans le cœur physique de l'homme, à combien plus forte raison cette place revient-elle à l'hôte officiel, représentant des droits du Créateur sur nous-mêmes !
"L'idée de la grandeur et de la noblesse du ciel abaissée jusqu'au service de l'homme nous confond, et nous croirions ce prodige impossible si Jésus lui-même ne l'avait affirmé par des paroles formelles et démontré par l'exemple de toute sa vie : Je suis venu sur la terre non pour être servi, mais pour servir. Notre bon Ange gardien veut donc bien aussi être notre serviteur ; il est prince à la cour du Roi de l'humilité, il est humble ; nous pouvons, sans craindre de l'offenser, solliciter en toutes choses le secours de cet ami fidèle dont notre pauvre nature grossière, loin de rebuter la glorieuse délicatesse, ne fait qu'exciter la plus tendre commisération." (Mgr Gay, Confér. aux Mères chrét.).
Cet ange gardien dont le caractère répond peut-être au caractère de notre âme, beaucoup d'auteurs disent qu'il répond aussi à la vocation de chaque âme ; il y a, on peut le croire, des anges particulièrement choisis pour les âmes qui se vouent à la vie religieuse ; à plus forte raison pour les âmes sacerdotales ; à plus forte raison aussi des anges plus élevés sont-ils députés auprès des Évêques, anges visibles des Eglises, et auprès du Souverain Pontife, ange visible de l'Eglise universelle.
On peut croire aussi que lorsque Dieu confie à une âme quelque entreprise plus difficile, il députe auprès d'elle de nouveaux anges : le ciel en est si riche, et l'amour de Dieu est si libéral, et le zèle des anges est si ardent et si vaste !
Enfin, il est à croire que, si satan députe des anges pour développer telles passions, tels péchés, Dieu aussi charge tel ange de telle vertu. Catherine Emmerich a-t-elle eu tort de voir, par exemple, l'ange Raphaël se faire le guide et la force de Sainte Ursule dans le rude combat qu'elle et ses compagnes devaient soutenir ? Il y a les anges de la pureté, les anges de la patience, les anges de la douceur, les anges de la foi, les anges de la charité, de la paix : "qui nos in pace custodiant."
Les peuples et les royaumes ont leurs Anges gardiens particuliers. Le peuple d'Israël avait un Ange spécial. "Voici que j'envoie mon Ange devant vous, dit le Seigneur dans l'Exode, afin qu'il soit votre guide, qu'il vous protège dans le voyage et vous conduise à la terre promise." Nous savons que Daniel parle d'un Ange, le Prince des Perses, et d'un autre, le Prince des Grecs. Selon Saint Basile chaque fidèle est sous la garde d'un ange, mais d'autres président aux nations ; et la dignité de ces derniers surpasse autant celle des Esprits qui veillent sur une seule âme que tout un peuple l'emporte sur un seul individu. (Advers. Eunom. III). Nous lisons dans les Actes des Apôtres que lorsque Paul se trouvait encore en Asie, il vit pendant la nuit un Macédonien, au geste suppliant, et lui adressant ces paroles : "Passez en Macédoine et venez à notre secours". Ces paroles, ajoute le texte sacré, donnèrent à l'Apôtre la certitude que Dieu l'appelait en ce pays. C'était l'Ange gardien de cette nation, disent les interprètes, qui lui avait apparu sous les traits d'un homme de cette contrée, et qui l'invitait à faire entendre au peuple confié à sa garde la bonne nouvelle de l'Evangile. (Corn. à Lapide ad v. 9. c. XVI).
Les Esprits célestes président aux Eglises et aux réunions des fidèles. C'est la tradition constante des Pères et l'enseignement de l'Église comme on peut le voir par les cérémonies de la consécration des églises (Pontifical Romain).