Le role des Anges a notre égard 1
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Dans la lutte contre nos penchants, que pouvons-nous, même avec la loi naturelle pour règle, avec la raison pour flambeau ? Voilà le bien, je le vois ; mais il faut l'aimer, et il me répugne. Les anges nous rendent ce goût, signe d'un palais spirituel sain. Mais dans le détail de la vie, que d'illusions ! "Les pensées des hommes sont vaines" dit la sagesse. - "Je vois le bien... je fais le mal", confesse le philosophe. Irrésolution de la volonté, inconséquence de la conduite ! Dans nos déterminations, dans notre pratique, que de place pour le bon ange ! Il est là heureusement, en vertu de la grande loi générale relevée par Saint Thomas : les êtres variables sous la tutelle des êtres plus fixes, les corps corruptibles régis par les corps incorruptibles, et les uns et les autres par les substances spirituelles, âmes ou anges.

Nous n'avons pas à lutter seulement contre nos faiblesses, mais encore contre les légions déchaînées de l'enfer ! Si donc les mauvais anges nous poursuivent, pourquoi ne jouirions-nous pas de la protection des bons anges ? Il ne faut pas se le dissimuler, le démon fait les quatre cinquièmes de la malice humaine. Pourquoi Dieu l'a-t-il permis ? Pourquoi cette société forcée avec des êtres d'une autre espèce que nous, d'une autre origine, d'une autre destinée ? Pour nous exercer dans la vertu ? De fait ils l'exercent et souvent la trouvent en défaut. Mais enfin, notre vertu avait assez à faire avec les faiblesse de la condition humaine. Pourquoi nous exposer à la perversion d'esprits supérieurs, au risque de rompre à jamais l'équilibre de notre volonté ?

Telle est la loi de la grande famille des intelligences créées ; par le fait même de sortir libre des mains du Créateur, l'humanité entre dans la grande solidarité du bien ou du mal ; on ne peut pas être neutre ; ou pour Dieu, ou contre Dieu ; ou avec les esprits fidèles ou avec les révoltés.

Dans chaque intelligence qui vient à la vie, les révoltés voient une conquête à faire : notre libre arbitre est sollicité, mille embûches lui sont tendues. Dans cette conjoncture, il ne pouvait être abandonné à lui-même sans défense ; puisque la lutte était inévitable, Dieu devait à sa justice de rétablir l'égalité en nous faisant appuyer par les bons anges. C'est ainsi qu'il obtient l'harmonieuse unité de son œuvre si justement appelée l'univers, réunion de toutes choses ordonnées à une seule : toutes les parties qui le composent, concourent à une même fin, le salut, le salut des anges d'abord, des hommes ensuite. Tout ce qui est au-dessous de Dieu concourt au salut de l'homme : la terre le nourrit, les mauvais anges éprouvent sa vertu, les bons la cultivent et la protègent. "Du sein de la béatitude souveraine qu'ils possèdent dans la cité sainte, la Jérusalem céleste d'où nous sommes maintenant exilés, ces bienheureux esprits veillent sur nous, ont compassion de nous et nous portent secours, afin de nous ramener à cette commune patrie, où nous nous rassasierons un jour, puisant avec eux à la source divine de l'éternelle vérité" (S. Aug. in Ps. LXII).

Les anges nous proportionnent à Dieu. Entre les esprits unis à un corps et l'Intelligence infinie, il fallait des esprits purs, finis. De même que l'homme rattache à lui la création matérielle, Dieu par les anges rattache à lui le composé humain. Sur cette proportion de nature se greffe une proportion de relations, Dieu se communique ainsi aux hommes sans s'abaisser à leurs yeux, et l'homme trouve accès auprès de la Majesté divine. C'est avant l'Incarnation surtout que l'humanité sentait entre elle et Dieu cette disproportion profonde résultant du néant de notre nature, et que le mal du péché creusa en abîme. L'Incarnation a renversé beaucoup de barrières : en revêtant notre chair, le Verbe a rapproché de nous le royaume de Dieu ; son aimable et étonnante familiarité avec les saints montre assez que cet abaissement n'est pas une vaine parole. Mais pour l'immense multitude des pécheurs, quelle consolation de pouvoir compter sur les anges et sur l'ange gardien, cet autre Moïse à qui nous pouvons dire comme les Hébreux : "Parlez-nous, vous, et nous vous obéirons ; que le Seigneur ne nous parle pas, de peur que nous ne mourrions."
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